Urbanisation, gestion des déchets et durabilité : quels enjeux pour nos villes ?
En ce mois de mai 2025, nous faisons le point sur un enjeu crucial pour l’avenir du Cameroun : la croissance urbaine rapide et ses répercussions sur la gestion durable des déchets dans les métropoles et villes secondaires du Cameroun. À mesure que nos villes s’étendent, la question n’est plus « faut-il agir » mais bien « comment agir efficacement et durablement»
Urbanisation galopante : quel avenir pour nos villes
L’évolution du taux d’urbanisation du Cameroun suit la tendance mondiale à la croissance accélérée de la population urbaine. Celle-ci est passée dans notre pays de 28,5% en 1976 et 37,8% en 1987 à 52% en 2010 (BUCREP – RGPH 1976, 1987, 2005 et projections), avec une estimation de 59,4% en 2022 (BUCREP). Cette urbanisation rapide n’est pas uniquement démographique ; elle est également spatiale. En effet, du fait des lacunes dans la planification, se traduisant notamment par l’occupation anarchique du sol, le Cameroun rejoint la tendance observée dans les pays en développement dans lesquels « la superficie des villes augmente plus vite que leur population ». En moyenne, la surface des terres qu’elles occupent augmente deux fois plus rapidement que le nombre de leurs habitants ». Cet étalement urbain non maîtrisé (l’on parle aussi de fragmentation des villes), en plus de la pression foncière accrue, force les villes à réaliser des investissements lourds pour répondre aux besoins en services urbains, dont la mobilité et la gestion des déchets.
Gestion des déchets en 2025 au Cameroun : où en est-on ?
En effet, la croissance urbaine accélérée induit mécaniquement celle de la production des déchets. La ville de Yaoundé, par exemple, connaît une augmentation de la production des déchets de l’ordre de 20 000 tonnes par an. Cependant, en dépit des actions entreprises par les pouvoirs publics, le sous-secteur de la gestion des déchets solides, dans ses composantes institutionnelle, financière, technique et opérationnelle, se révèle inefficace pour gérer cette donne socio-démographique.
Les faiblesses du système actuel se caractérisent par des lacunes dans la structuration de la pré-collecte, l’obsolescence du dispositif technique de gestion des déchets (collecte, transport, traitement) qui fait face à l’absence d’infrastructures, des efforts de valorisation demeurant embryonnaires, des conflits de compétences persistants entre les acteurs institutionnels et un schéma de financement inadéquat, s’agissant aussi bien de la faiblesse des ressources disponibles que des présentateurs des mécanismes de contractualisation existants. Ces lacunes se traduisent finalement par un faible taux de collecte des déchets : il est de 45% à Yaoundé pour une production estimée à environ 3000 tonnes/j.
Mais tout n’est pas sombre. Des progrès notables sont en cours en matière de gestion des déchets au Cameroun avec la mise en place certains projets et autres initiative visant à améliorer le sous-secteur de la gestion des déchets au Cameroun.
- La récente conférence tenu du 06 au 07 avril 2025 à Yaoundé sur les états généraux sur la gestion des ressources en déchets dans les déchets urbains au Cameroun ;
- Projet d’amélioration de la gestion des déchets à Foumban: ce projet, piloté par Experts-Solidaires, vise à mettre en place un système de collecte, de tri et de valorisation des déchets, plus durable et économique viable pour la ville de Foumban.
- Projet WEEECAM: Ce projet, soutenu par le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM), s’attache à construire un système un système de traitement des déchets d’équipements électriques et électroniques (D3E) à grande échelle à Douala et Yaoundé.
- Projet de compostage à Dschang: L’initiative lancée par Fondation GoodPlanet vise à
- Programme de tri pilote à Yaoundé et Douala avec l’appui des partenaires internationaux ;
- Unités de compostages communautaires dans les villes secondaires (Bafoussam et Maroua par exemple)
- Loi sur l’interdiction des plastiques à usage unique, en vigueur depuis janvier 2025.
- Taxe sur le ramassage des ordures : le gouvernement camerounais a mis en place un droit d’assise sur les marchandises importées afin de financer la gestion des déchets, mais le produit de cette taxe se révèle insuffisant.
Développement durable : la clé pour transformer la crise en opportunité
L’approche durable de la gestion des déchets repose sur la prévention, la réduction, la valorisation et l’inclusion communautaire.
Voici quelques leviers d’action déjà engagés ou à renforcer :
- Education environnementale dans les écoles et quartiers
- Soutien aux start-ups vertes: recyclages, transformation, bioénergies etc
- Collaboration décentralisée entre les populations, les CTD et le secteur privé.
Parole d’un Acteur : « Aujourd’hui, gérer les déchets n’est plus un service, c’est une stratégie de résilience urbaine. Le développement durable n’est pas un luxe, c‘est une nécessité »
Martial Ebanda, Directeur du Centre Camerounais pour l’Economie Circulaire.
Ce que chacun de nous peut faire dès maintenant :
- Triez nos déchets à domicile ;
- Evitez les plastiques jetables ;
- Participez aux campagnes de nettoyage initiées par les Comités de quartiers ;
- Soutenez les produits issus du recycles local.
Cadre institutionnel dans le domaine de la gestion des déchets :
- Le déchet n°2012/2809/PM du 26 septembre 2012 fixe les conditions pour le tri, la collecte, le stockage, la valorisation, le recyclage, le traitement et l’alimentation finale des déchets ;
- Loi 2019/024 du 24 décembre 2019 portant code général des Collectivités Territoriale Décentralisées ;
- Les Objectifs de Développement Durable (ODD) ; dont (i) la cible 11.6 vise à réduire l’impact environnemental négatif des villes par habitant, en accordant une attention particulière à la gestion des déchets municipaux (ii) et la cible 12.5 vise à réduire considérablement la production de déchets par la prévention et la valorisation ;
- La Stratégie Nationale de Développement 2020-2030 (SND 30) : qui préconise, d’une part, la modernisation des villes et la construction des infrastructures d’assainissement de base, et d’autre part, la réforme du cadre légal et réglementaire de la gestion des déchets centrée sur la libéralisation du marché et la pénalisation de l’insalubrité ;
- La Politique Urbaine Nationale du Cameroun (PUN) qui préconise la réforme de la politique de gestion des déchets municipaux.
En guise de conclusion : L’accroissement de population urbaine au Cameroun est une dynamique irréversible. Mais avec le manque de ressources financières dans le cadre de la décentralisation au Cameroun, il reste encore beaucoup de chose à faire. Il est important de noter que déchets, elle peut devenir une force de transformation positive, créatrice d’emplois verts et de villes plus saines.
ANOKALI LANGOLO Didier Boris, consultant junior
